mardi 4 octobre 2011

Kakao décapité

Après le petit-déjeuner, nous partons pour un mouillage à sept miles de distance à Prickly Bay, au sud de Grenade. L’objectif est de visiter, mais aussi pour Kapuera de trouver un chantier qui pourra sortir le bateau de l’eau afin de pouvoir changer les joints de ses embases d’hélice. C’est une opération simple et rapide, mais qui doit se faire le bateau hors de l’eau.

Nous n’avons que très peu de vent jusqu’à la pointe sud-ouest de Grenade (Salines point) puis nous avançons un peu plus vite derrière la pointe, avec quinze nœuds de vent.
Ecole en navigation - Quand on s'occupe de l'un, les deux autres avancent leur travail...

Alors que nous sommes au près, une détonation se fait entendre et le mât se met à bouger dangereusement. Je choque les voiles, allume les moteurs et mets le bateau face au vent, en envoyant les enfants qui faisaient l’école se mettre à l’abri dans les coques pendant que Céline prévient Xavier par VHF de notre problème.
Je vais ensuite au pied du mât pour affaler les voiles et soulager les efforts sur le mât. Ce n’est pas une position très rassurante car le mât oscille fortement et je préfèrerai éviter qu’il me tombe sur la tête… J’arrive à larguer difficilement la grand voile pendant que Céline est dans le cockpit à tenir tant bien que mal l’écoute de la grand voile, limitant au maximum les mouvements de bôme qui sont devenus incontrôlables.
Quand j’arrive enfin à larguer aussi le génois, le mât tombe alors en arrière sur le bateau, entre les filières tribord et le roof, son fait se retrouvant dans l’eau, derrière le bateau. Je suis légèrement blessé au poignet, mais rien de grave par rapport à ce qui aurait pu m’arriver. Céline est elle aussi indemne. Tout s’est déroulé en moins de cinq minutes !
Kakao juste après la chute du mât


Xavier nous indique par VHF qu’il faut faire le maximum pour garder le mât sur le bateau. Céline prend alors la barre pendant que je récupère tous les cordages disponibles pour hisser au maximum le mât sur le bateau et le fixer le mieux possible pour qu’il ne soit plus dans l’eau et ne bouge plus.
Pour être préparé à remonter un espadon, nous nous entraînons sur notre mât...

Le barreur a plus fière allure que sa monture...

Kapuera, qui a immédiatement affalé ses voiles, nous escorte à présent jusqu’au mouillage prévu au départ, qui est le plus proche du lieu de notre démâtage. Nous laissons les enfants ressortir dans le cockpit en leur expliquant la situation. Après la blessure de Céline quelques jours auparavant, nous venons de passer au cran supérieur en terme d’avarie… En si peu de temps, cela fait beaucoup pour nous, mais encore plus pour les enfants. Pendant la demi-heure de traversée qu’il reste, Elise nous fait un dessin de l’événement.



Nous sommes contents qu’elle extériorise immédiatement. Il faudra probablement passer du temps avec Julien qui avait déjà été choqué de la blessure de Céline. Une nouvelle fois, Clément n’exprime rien et nous devrons sûrement user de patience pour qu’il arrive à exprimer ses inquiétudes.

Le temps pour aller au mouillage est aussi pour nous l’occasion de comprendre ce qu’il s’est passé. C’est en fait l’étai (le câble qui relie le haut du mât à l’avant du bateau) qui s’est rompu. Le mât est tenu par trois points, un à l’avant, l’étai et deux sur les côtés en arrière du mât, les haubans. Le point de fixation avant ayant lâché, le mât a tenu en oscillant grâce à la drisse de génois. Dès que j’ai affalé le génois, plus rien ne retenait le mât vers l’avant et celui-ci est donc tombé en arrière.
Un démâtage n’est pas le passage obligé de tout marin mais plutôt un événement assez rare. En de nombreuses années, c’est le premier que notre loueur Eric doit gérer et Xavier m’indiquera que son père navigue sur des voiliers depuis 68 ans sans avoir connu un seul démâtage. Il y a donc peu de stages de formation expliquant que faire si le mât bouge… Si nous ajoutons à cela le stress de la situation, il n’est pas forcément évident de prendre le recul nécessaire à une analyse clairvoyante de la situation afin de prendre toutes les bonnes décisions au moment opportun. Nous avons surtout eu de la chance qu’il n’y ait eu aucun blessé.
Arrivés au mouillage, nous nous faisons remarquer...

Arrivé au mouillage, l’équipage de Kapuera monte à bord de Kakao et Anne-Sophie s’occupe de ma blessure au poignet. Il faudrait faire deux ou trois points de suture et elle m’affirme qu’avec l’entraînement qu’elle a sur des poulets, ce sera une formalité. Malgré la confiance sans borne que je peux lui témoigner, je saute cependant sur l’occasion quand elle me propose l’option des strips…

Nous avions prévu un barbecue sur Kakao pour goûter la viande achetée. Le barbecue étant coincé sous la grand voile et difficilement accessible, c’est sur Kapuera qu’aura lieu le déjeuner.
Difficile d'atteindre le barbecue sur le balcon arrière tribord...


Nous décompressons ensemble de la tension de la fin de matinée.

Nous sommes heureux de voir les enfants positiver en se réjouissant que grâce au démâtage, il n’y a plus d’école pour le reste de la journée. Ils iront même jusqu’à essayer de négocier une journée supplémentaire !
Un petit câlin pour se remettre de ses émotions

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