A partir de minuit, le
ciel se couvre et des grains arrivent sur nous. A partir d’une heure du matin,
il se met à pleuvoir des cordes, puis je commence à voir des éclairs. Je me
mets à faire comme les enfants qui comptent les secondes entre l’éclair et le
bruit du tonnerre. Le feu d’artifice est à cinq kilomètres, puis quatre, puis
trois. J’avais lu qu’en cas d’orage sur un bateau, il faut laisser traîner une
chaîne dans l’eau, attachée à un hauban pour faire une liaison directe entre le
mât et l’eau. Cela doit éviter à la foudre d’être tentée de passer par
ailleurs, avec potentiellement plus de dégâts. Je me dis que sur les bateaux
modernes il n’y a plus besoin de mettre cette chaîne et un lien métallique est
sûrement déjà prévu. Si c’est le cas, Kakao en est-il équipé? Il est un peu
tard pour avoir la réponse à ces questions et je décide de changer complètement
de direction en mettant cap au Nord, afin d’essayer d’éviter d’aller vers ce
qui semble être le cœur de l’orage.
Je continue à compter pour
estimer la distance des éclairs et nous nous en éloignons en effet. Mais nous
nous éloignons aussi de notre destination qui est au Sud-Est…
Il pleut sans discontinuer
jusqu’à cinq heures du matin. Après quelques minutes, mon coupe-vent est trempé
et je me change pour sortir de nouveau mon pantalon et ma veste de quart qui me
tiendront au sec et globalement au chaud pendant cette douche un peu longue…
Au lever du soleil le ciel
se dégage et le vent est assez bien orienté pour que nous puissions arrêter les
moteurs. La mer est encore hachée près des côtes Dominicaines car de forts
courants contraires se croisent. Après quelques miles, la mer devient belle et
Kakao file à six nœuds dans une dizaine de nœuds de vent.
Une des occupations favorites en navigation |
Le vent forcit en arrivant
près des côtes Portoricaines, et nous faisons des pointes à dix nœuds! Grâce à
ces bonnes conditions, nous mouillons dans la baie de Mayaguez au crépuscule,
nous évitant de passer une nouvelle nuit en navigation. Nous pensions mettre
trente-six heures et nous en avons finalement mis vingt-six pour faire cent
cinquante miles!
Outre les bonnes
conditions météo, nous avons aussi bien profité des conseils contenus dans un
livre que Bertrand d’Ann’Julie (merci beaucoup!) m’a prêté avant que nous nous
quittions. Cela fait plusieurs semaines que je potasse cet ouvrage un peu
complexe pour moi. Il est écrit en anglais avec des termes techniques de marine
et beaucoup de sens figurés qu’il n’est pas toujours aisé de comprendre, même
avec la traduction littérale des mots. Grâce à sa lecture, j’ai beaucoup appris
sur les bonnes méthodes pour traverser le canal de la Mona et, plus globalement,
sur les principes qui régissent vents, vagues et courants.
Je redoutais un peu cette
navigation potentiellement difficile pour notre équipage peu expérimenté mais La
Mona nous aura finalement laissés passer plutôt facilement. Ce trajet est la
première étape de notre route pour revenir vers la Martinique. Nous avons déjà
commencé à préparer notre retour en métropole mais celui-ci devient plus
concret à présent. Il nous reste cependant encore plus de deux mois de voyage et
nous comptons bien en profiter jusqu’au bout!
Nous sommes abonnés aux
dimanches à Mayaguez car nous devrons y rester jusqu’à lundi. En effet, les
douanes sont fermées en ce samedi soir et n’ouvrirons que lundi matin.
J’appelle tout de même le numéro des autorités pour être en règle et ne pas
risquer une amende comme les québécois que nous avions rencontrés au départ de Puerto
Rico. L’officier est charmant et discute volontiers, en plus des nombreux
renseignements qu’il me demande sur le bateau et l’équipage. J’essaye quand
même d’abréger car le numéro d’appel est gratuit pour les téléphones
américains, mais pas pour ceux martiniquais. Il m’en coûtera une soixantaine
d’euros pour un bon quart d’heure de communication!
Avant huit heures tout le
monde dort sur Kakao!
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